Le t-shirt Militant, un joli coup de la société de consommation !

Publié le par Toshiba Samir Mashouka

Ah, ces rebelles qui arborent leurs idées sur leur t-shirt ! Lundi avec un t-shirt de Che Guevara, Mardi avec un t-shirt Anarchie, Mercredi avec un t-shirt « fuck capitalism », et dimanche avec un t-shirt « non au travail du dimanche ». Les empereurs de l’industrie textile doivent bien rire de ces militants qui leur rapportent de l’argent. Ce genre de t-shirt vous semble être une idée d’adolescent attardé ou de pseudo-rebelle qui n’a rien compris ? Jamais elle ne viendrait à l’idée de grands écologistes ou gens de gauche ?

 

Et bien si ! J’ai pris en flagrant délit des grandes figures de l’opposition à la société de consommation capitaliste et productiviste.

 

Le premier est le leader du NPA, Olivier Besancenot, arborant en août 2009 un t-shirt « repos le dimanche », avec le mot « travail » barré (1). Au début j’ai bien ri, et ai excusé la naïveté d’un jeune post-adolescent de Neuilly, qui ne se rend pas compte que les petits enfants fabriquent son t-shirt en Chine ou en Thaïlande travaillent sûrement le dimanche, les jours fériés et peut-être même la nuit au lieu d’aller à l’école ou jouer à cache-cache comme les gamins de leur âge. J’ai moins ri quand je me suis rappelé que ce monsieur dirige un parti politique qui convainc 1 électeur sur 20.

 

Le second : pépé José Bové, arborait fièrement lors d’une séance au parlement européen un t-shirt « Stop Barroso » le 14 juillet 2009 (Barroso : président de la commission européenne, capitaliste ultra-libéral pro-américain assumé), avec ses nouveaux copains d’Europe Ecologie (2). Franchement, à quoi ça sert ? A déranger le président en pleine séance ? Oui mais pourquoi ne pas l’avoir écrit sur du papier, c’est plus écologique. A faire savoir que l’on n’est pas d’accord avec Barroso ? C’est pourtant évident qu’en se plaçant dans la minorité dans l’hémicycle, on est contre ce monsieur.

 

Autre tartuffe : un journaliste de L’Humanité vantant un petit commerçant parisien créateur de t-shirt militants sérigraphiés. (3) Créateur ? Enfin, ce n’est pas lui qui les coud bien sûr. Il ravit les « étudiants et manifestants » afin de « susciter l’expression du public et éveiller l’esprit de solidarité ». Très efficace en effet de porter dans une manif sur la réforme des retraites un t-shirt « Casse-toi pov’con », afin de prouver à ses voisins qu’on est bien anti-sarkozyste, au cas où certains en douteraient… Le comble, c’est le t-shirt avec le proverbe améridien «  Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière asséchée, le dernier poisson pêché, les humains s’apercevront que l’argent n’est pas comestible. » . Ce t-shirt en coton va permettre en effet de convaincre que la culture du coton en Asie centrale est responsable de l’assèchement de la mer d’Aral dont la surface a diminué de plus de 2 tiers entre 1961 et aujourd’hui… C’est aussi beau que l’écrivain Beigbeder qui posait pour une pub pour du textile, avec, à la main, le livre de Jean Baudrillard sur la société de consommation (4).

 

Et puis le t-shirt du Parti de gauche, Survie, Greenpeace et ATTAC…Snif.

 

Je ne disqualifie pas les mouvements précités, mais au contraire, voudrais qu’ils prennent conscience de cette énorme contradiction qu’ils font à leurs idées anticapitalistes et écologistes en vendant de tels t-shirts. Je m’attends à mieux de leur part, et c’eût été un très beau symbole qu’ils arrêtassent de singer les grandes marques, en vendant des produits dérivés pour se faire de l’argent.

 

Une alternative écolo au t-shirt militant : le transfert de t-shirt que le militant va appliquer sur un vieux t-shirt. Encore plus écolo : un pochoir. Encore plus écolo, il y va lui-même avec un feutre. Encore plus écolo, on demande uniquement au sympathisant de verser un don à l’association militante plutôt que d’acheter des trucs inutiles.

 

Mais peu importe, un t-shirt Militant, c’est avant tout pour se donner une image et se distinguer. Un type absolument inconscient des problèmes politiques et écologiques, va-t-il créer une Biocoop en voyant un monsieur avec un t-shirt « OGM non merci » ? Un toxicodépendant aux sushis, va-t-il se sevrer de son poison surpêché quand il verra un militant de Greenpeace avec son badge « Touche pas à mon thon ! » (sic) ? (Badge, qu’il devrait d’efforcer d’enlever en compagnie de sa petite amie…)

Non. Tout au plus, l’affichage sur soi de tels slogans ne sert qu’à se retrouver entre militants, de la même manière que l’affichage de signes religieux permet de se retrouver entre croyants.

 

Et puis doit-on porter ses slogans sur soi ? Quand on milite activement, on refait suffisamment le monde en adhérant à un parti on en mettant en place des alternatives et de la solidarité concrètes. Si vous prenez une photographie des anarchistes du XIXème, ces messieurs étaient habillés en costume comme tous les bourgeois. L’habit ne fait pas le moine, comme on dit. Porter une chemise au lieu d’un t-shirt « Grève générale », ne fait pas de vous un collaborateur du système.

 

Pour terminer, je tiens à me justifier, moi qui réalise un journal papier avec un PC et qui voudrait donner des leçons à ceux qui portent des t-shirts militants. Certes je fais marcher l’industrie du papier et de l’électronique ; je gaspille donc de l’eau. Mais au fond ma critique du t-shirt militant peut se résumer de manière très rationnelle. Un t-shirt c’est 4100 litres d’eau pour un slogan ou une image choc, tandis qu’une feuille de ce journal que vous tenez dans les mains, c’est 10 litres d’eau pour des articles argumentés. (5)

 

Sur un t-shirt, un slogan qui est souvent trop concis, ou alors on utilise une image choc. Dans une feuille de journal, on argumente, on explique, on décrit, et le lecteur parfait ses connaissances et son expression pour mieux affronter les confrontations orales, qui sont la meilleure forme, et de loin, pour diffuser les idées.

 

De la même manière qu’une casquette Nike est achetée car c’est une casquette de marque, un t-shirt « Climate Justice Now » est en quelque sorte un t-shirt de marque pour adolescents de gauche en mal de trouver ses propres repères de consommation pour se distinguer. T-shirt militant ? T-shirt, avant tout, made in China de manière esclavagiste et polluante. Un bel exemple de récupération par la société de consommation de toute contestation, subversion et provocation.

 

 


Sources :

(1) - rapporté par http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2009/08/23/01011-20090823FILWWW00057-besancenotgrandes-maneuvres-a-gauche.php

 

(2) - Politis n° 1068 – du 17 septembre au 23 septembre 2009 – rubrique Europe « José Bové à Bruxelles, il vont lui mettre une cravate ! »

 

(3) - L'Humanité 22 juin 2009 – rubrique Politique « Ils habillent les manifestants


(4) - rapporté dans la revue annuelle Casseurs de Pub 2008 « Les écotartuffes » p.26


(5) - Water footprint of nations, A.K.Chapagain et A.Y. Hoekstra, Unesco, 2004 rapporté sur le site web : http://www.linternaute.com/savoir/dossier/eau-virtuelle/produits.shtml

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L
<br /> <br /> Sans doute beaucoup de vrai. En même temps un t-shirt militant peut être en coton biologique issu du commerce équitable comme c'est le cas de certains auxquels il est fait allusion ici (anti-ogm,<br /> Barroso etc...) et comme il faut bien s'habiller de toute façon autant que ce soit en affichant une bonne cause et au prix d'une production textile socialement et environnementalement<br /> optimum. Cela dit on consomme trop, on gaspille trop, on bouffe trop et on s'exonère tous trop facilement de nos<br /> responsabilités en s'abritant derrière des comm' de circonstance, ça j'en suis conscient aussi.<br /> <br /> <br /> bien amicalement<br /> <br /> <br /> <br />
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