Luttons contre le discours pessimiste "tous pourris"
Vu l'état déplorable du monde actuel, on a envie de tomber dans le pessimisme profond, de se dire qu'on ne pourra plus jamais changer la marche des choses, que tout est foutu, rien ne va plus. On se laisse aller, on ne croit plus à ses idéaux humanistes et on finit par tolérer et cautionner sans le vouloir ce système que l'on déteste.
Dans cette esprit, la première chose la plus marquante est le discours d'une minorité très importante de gens qui ne croit plus en la politique et dit que les hommes politiques sont tous pourris. Ce discours tenu souvent sans véritable argumentation, que l'on pourrait qualifier de "philosophie de comptoir" (voir note n°1) est sans cesse rabaché par des personalités influentes : chroniqueurs ou vedettes du showbiz qui continuent à brûler haut et fort cette flamme de l'antipolitisme. Le plus énervant est de voir que certaines de ces personnes sont les portes paroles d'un mouvement ou d'une certaine catégorie de personnes, et ont même des revendications politiques mais ils le nient et préfèrent démissioner et se complaire dans le péssimisme, et l'inaction (voir note n°2). Si autrefois il y avait un courant politique derrière chaque grand journal ou chaque émission d'un média de masse, aujourd'hui il n'y a en général plus rien, uniquement des journaux remplis de gens non politisés. C'est caricatural car il existe toujours des journaux politiquement orientés, mais en ce qui concerne la télévision c'est complètement vrai, la dernière émission de service public un tant soit peu cohérente politiquement qu'était Arrêt sur images, clairement orientée à gauche dans sa critique des médias, a été jetée par dessus bord au début de l'été 2007. ( voir note n°3)
Désormais la politique (ou plutôt l'apolitique) à la télé c'est le plateau de Laurent Ruquier ("On a tout essayé"):
- Karl Zero, un schizophrène qui d'une part soutient José Bové et d'autre part tutoie Sarkozy sur un bateau (voir note n°4), qui pipolise la politique avec ses émissions et qui la dénonce avec son dernier navet Starko
- Gerard Miller, psychanalyste flirtant avec le PS et le PCF
- Steevy Boulay, personne djeun représentant la jeunesse la plus minable et la plus consumériste, fan du Sarko et du McDo
- Stéphane Pocrain, militant écologiste indépendant des Verts
-Christine Bravo, s'apitoyant pour l'ancien ministre de l'économie du gouvernement Raffarin 1 et 2, Francis Mer qui s'était fait couper l'électricité par des syndicalistes d'EDF.
Bref, de voir tout ce beau monde réuni pour déconner et faire des débats de comptoir (voir note n°1) dans la joie et la bonne humeur, il n'y a rien de mieux pour décrédibiliser le débat politique, et inciter à l'anti-politisme et le sentiment de "ils sont tous pourris", ou "être de droite ou de gauche c'est la même chose".
Après, revenons à la réalité, beaucoup d'hommes politiques, généralement ceux qui sont présents depuis une éternité ont une tendance naturelle à être attirés par le pouvoir, hâpés en quelque sorte, et ne penser qu'au pouvoir comme une fin en soi alors qu'il devrait être un moyen au service de la société; le but devient la domination et l'utilisation de la puissance pour la satisfaction d'un intérêt personnel, contraire à l'intérêt général. J'ai un vague souvenir d'une citation provenant de mon cours de philosophie de terminale,( donc si vous avez la citation exacte, je vous prie de m'écrire pour que je la corrige ): Socrate (il me semble que c'est lui) a dit une phrase comme "il arrive un moment dans une carrière politique où l'homme politique doit choisir entre deux voies : se retirer de la politique, ou continuer la politique en étant corrompu". Donc il y a en effet des politiciens qu'on aimerait voir disparaître à jamais (voir note numéro 5).
Ce n'est cependant pas une raison pour dire que tous les hommes politiques sont par nature pourris et que même ceux qui se lancent dans la carrière politique avec le plus de volonté seront pourris une fois élus. En effet, des détournements d'argent de Strauss Kahn, du trafic d'armes en Angola de Pasqua, certains en déduisent avec une logique que seuls eux maîtrisent que même un candidat comme Gerard Schivardi qui sort d'on ne sait où, et qui n'a jamais été à la tête du pouvoir, serait tout comme Bernard Tapie, un mafieux détourneur de fonds potentiel.
Généralement la mentalité du "tous pourris" se retrouve chez des gens de sympathie de gauche, des progressistes ou des humanistes (car pour certaines personnes de droite très conservatrice c'est tout à fait normal, et moral de vendre des armes, donc la mentalité "tous pourris" ne vient pas à eux). C'est à mon sens très dommage : la mentalité "tous pourris" pousse à l'abstention, ou au vote blanc. Et ce qu'il se passe c'est que ça favorise l'arrivée au pouvoir des pires hommes politiques (de droite extrême souvent et dans un contexte actuel les Berlusconi et autres néo-conservateurs néo-cons).
C'est l'abstention qui a permis à Le Pen de passer au second tour, et en 2007, c'est grâce à la mentalité "tous pourris" pessimiste que l'électeur moyen dans sa grande intelligence et sagesse s'est dit " ils sont pourris mais Sarko vaut mieux que l'autre poufiasse", et Sarkozy est passé. On connaît la suite.
Le slogan "Tous pourris" est aussi un slogan fasciste des années 30. Quand Hitler est allé faire sa propagande chez le peuple ouvrier, il lui a dit que tous les politiques étaient pourris, ce qui l'a incité à ne pas voter, ainsi il a pu arriver au pouvoir en douceur grâce aux voix des fascistes qui eux ne se sont pas abstenus de voter pour la dernière élection démocratique ayant pour but d'enterrer la démocratie et d'instaurer le pouvoir totalitaire. Ce slogan est par ailleurs repris par le Front National Français (à l'égard du PS de l'UDF, de l'UMP et du PCF) qui essaye de profiter du dégoût des affaires politiques pour se faire des voix.
Quand au vote blanc, il est inutile, car au regard de la constitution, il compte comme une abstention. C'est tout de même assez honteux car l'electeur qui vote blanc ou nul indique qu'aucun des candidats ne lui convient, ce qui est une opinion valable comme une autre, mais à l'heure actuelle, c'est comme ça et il faut faire avec en attendant une prochaine constitution. On devrait inventer un mode de scrutin qui ferait que s'il y a une majorité de bulletins blancs, l'élection n'est pas valide . (Cela ne jouerait pas de beaucoup, car il n'y aurait que très rarement 25 % de votes blanc, par contre ça empêcherait certains d'être élus directement au premier tour, ou d'être élus à 100% dans le cas des candidatures uniques).
Sinon, n'oublions pas que de focaliser le "tous pourris " sur les hommes politiques permet aux millardaires d'être assez tranquilles car pendant que l'on fustige la classe politique, les grandes fortunes dorment tranquiles au bord de leur piscine. Alors que les crimes financiers des hommes politiques se chiffrent en millions, ceux des hommes d'affaires se chiffrent en milliards.
Après, ne soyons pas naïfs, beaucoup d'hommes politiques sont pourris, non pas parce que la fonction d'homme politique est par nature pourrie, mais parce que la sphère politique est souvent trop proche de certains lobbys, et que d'avoir des hommes politiques de métier ne favorise pas le désintéressement et le refus du profit personnel pour lequel nous militons. Alors faisons appel au bon sens, si l'on considère que tous sont pourris, alors choisissons la solution la moins pire : votons pour le moins pourri d'entre eux. Cela vaut toujours mieux que de ne pas voter ou voter blanc et laisser le plus pourri d'entre eux remporter l'élection.
Notes :
1°)Cette expression est tout de même contestable car je connais un bar qui en plus de débiter des boissons met à disposition de ses clients de la presse politique et les débats politiques qui peuvent y avoir lieu sont à mon goût plus profonds que ceux que l'on trouve dans les émissions d'Ardisson.
2°)Comme Guy Carlier avec livre Sauf le respect que je vous dois de 2007 concernant les candidats à la présidentielle, ou Jamel qui se veut l'ambassadeur d'une jeunesse délaissée, sans pour autant avoir l'audace de se politiser clairement (car pour beaucoup, ça donne une image sectaire d'adhérer à un parti politique).
3°) L'émission s'est reconvertie en un site web : http://www.arretsurimages.net/
4°) "Sarko et Ségo sont sur un bâteau" émission de Canal + entre les deux tours de l'élection présidentielle de 2007. Parallèlement, Karl Zéro apparaissait sur le clip officiel de campagne de José Bové.
5°) voir notre article sur l'éviction d'Alain Juppé : Alain Juppé saute enfin ! On commençait par s'impatienter...